SNECMA, Des femmes et des hommes debouts

Essai biographique de militant-e-s

Claude Doucet (coordination)

208 pages, 18,5×23 cm

ISBN 979-10-93736-03-7

22,00

Ils et elles ont travaillé dans les ateliers de production, dans les bureaux administratifs. Ouvriers, techniciens, cadres, employés. Ils peuvent faire leur cette devise de fraternité : « tout ce qui est humain est notre ». La solidarité est essentielle à leurs yeux. Par ce recueil, constitué de discours tenus dans les « pots de départ » à la retraite, ou par des propos et notes recueillis, c’est un tout un pan de la vie au travail qui est dévoilé. Ces militantes et militants de la CGT ont contribué au développement de l’industrie de l’aviation civile trouvant la voie pour dépasser le « tout militaire ». Ce sont des périodes de leurs vies qui sont évoquées ici. L’amour du travail bien fait et la défense intransigeante des intérêts des salariés.


POURQUOI CE LIVRE ?

Si le titre n’avait pas déjà été pris par le réalisateur italien Elio Petri en 1971, on aurait titré ce livre La classe ouvrière va au Paradis. Avec un patron qui s’appelait d’Enfer, cela aurait fait le lien. Le paradis, donc. Ce n’est pas spécialement ce que nous content a priori les acteurs de ce livre. Ils et elles nous parlent du travail concret, des luttes sociales, des grèves, de la précision extrême du travail quand on fabrique des moteurs d’avion, de leur fierté d’avoir fait évoluer leur entreprise, la Snecma, aujourd’hui dans le groupe Safran, du tout militaire à la construction civile. Ce n’est pas tous les jours le paradis, mais la solidarité ouvrière qui s’exprime, la solidarité de classe qui est chevillée au corps de leur organisation syndicale –la CGT- a des odeurs de jardin d’Éden. Une des belles figures de ce livre –il n’aurait d’ailleurs sans doute pas apprécié qu’on le sorte du lot- est ce prêtre ouvrier, fraiseur, syndicaliste, défenseur des exploités et exploité lui même et qui voulait construire le paradis sur terre. Mais tous ceux qui témoignent, ou dont on raconte des bribes de leur vie, voulaient pour eux-mêmes et les autres cette part de paradis, qu’un capital à l’égoïsme glacé nous refuse à tous.

Alors, certes, ce livre peut paraître un peu spécial. Déroutant même de prime abord. Il s’agit d’allocutions de pots de départ en retraites, de témoignages recueillis ou écrits par les intéressés, rédigés bien souvent sous forme de biographie. D’extraits de rapports syndicaux, d’analyses faites à chaud. On pourrait croire l’exercice lassant. Il n’en est rien. Car cette formidable idée des syndiqués préretraités et retraités de la Snecma –de faire un recueil de ce que d’habitude on célèbre entre nous autour d’un pot- est une véritable descente au cœur du monde du travail.

C’est écrit de style divers, cela raconte plusieurs fois la même histoire, mais à chaque fois vécue différemment. En fait, il n’y a pas meilleur moyen que celui-ci pour montrer la réalité de la classe ouvrière, du monde du travail. Les joies, les peines, les luttes. A l’heure où le mot bénévolat est mis à toutes les sauces, on (re)découvre ce que le mot militant veut dire. Chacun, chacune est militant-e à sa manière. Mais le fil conducteur est bien de dire, non seulement « on ne se laisse pas faire », mais « on veut faire progresser toute la société ».

On y découvre la vie politique et sociale qui défile. Les anciens de la Résistance, les grévistes de 1968, les travailleurs solidaires du peuple algérien, luttant contre la guerre du Vietnam, parlant du Chili et de tout ce qui se passe dans le monde. Le monde ne leur est pas étranger.

On y découvre, page après page, la fierté des ouvriers, des techniciens, des contrôleurs, des cadres de leur travail. L’amour de la pièce bien faite, la fierté de concevoir de nouvelles pièces pour des nouveaux moteurs et en même temps, les affrontements avec la direction qui sont au cœur des contradictions au sein des entreprises. Ils et elles ne lâcheront rien sur le respect que l’on doit avoir à celui ou celle qui travaille. Ils et elles ne lâcheront rien sur leurs droits, salariaux, d’expression, de conditions de travail, mais aussi le droit à la culture, aux loisirs, au sport, aux vacances. Ils s’appellent Nénesse ou Gros Nana, elles affrontent aussi le machisme de leurs camarades masculins et syndiqués.

Tout cela montre que l’existence de syndicats dans l’entreprise-dans toutes les entreprises- est une nécessité. Sans la lutte obstinée des salariés de la Snecma, la France ne produirait plus de moteurs d’avion. Il faut lire ces passages où on évoque le moteur Olympus (celui du Concorde, construit avec Rolls-Royce) et la joie de voir ces gros engins venir les saluer quand ils prennent pour la première fois leur envol.

En filigrane de ces textes, la plupart du temps teintées d’humour, on comprend l’urgence d’une réindustrialisation de la France. Une industrie de notre temps, qui tienne compte des facteurs environnementaux et de santé mais qui soit un plus pour le pays entier. Les salarié-e-s de la Snecma se sont constamment battus pour l’emploi. Non seulement pour le sauvegarder mais aussi pour embaucher. Lire le récit de ces luttes, c’est se donner des armes pour aujourd’hui. Plus il y aura d’emploi, et des salaires décents, plus les cotisations sociales rentreront dans les caisses de l’État.

C’est pour toutes ces raisons évoquées ci-dessus que les Éditions Helvétius ont proposé tout de suite d’éditer ce livre, dès que Claude Doucet nous a évoqué ce projet, et de le diffuser en dehors même de la sphère des anciens de la Snecma. Faire connaître, par de multiples voies, les réalités du monde du travail, c’est notre objectif principal.

Nous étions donc, tous et toutes, sur la même longueur d’ondes.

Jacques Dimet
Président des Éditions Helvétius

 

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